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Géorgie - La nouvelle année en Kakhétie

récits de quelques une de nos aventures. / Several stories About our adventures.

Géorgie - La nouvelle année en Kakhétie

Messagede Thierry le Mer 17 Mar 2010 11:51

Lieu: Gombori, Georgie
Date: 2010-01-06

Ca y est, 2009 s'est terminé à Tbilissi, capitale Géorgienne, dans un incroyable feu d'artifice improvisé dans toute la ville. Le passeport de thierry, un peu malmené par les mois de voyage passés, a été présenté aux services de l'ambassade de France qui, face à l'état du titre officiel, préconisa la réalisation d'un nouvel exemplaire flambant neuf. C'est donc une fois cette procédure engagée et les fêtes de fin d'année échues que nous avons décidé de parcourir en marchant les quelques kilomètres qu'il nous restait à parcourir jusqu'à la frontière Azerbaïdjanaise. Quelques mois auparavant nous avions déjà parcouru en partie cette distance avec, à l'époque, l'espoir de partager avec les quelques communautés musulmanes de cette région les festivités de la fin du Ramadan. Cette première escapade en Kakheti, région de l'Est de la Géorgie principalement reconnue pour ses cépages, fut riche en rencontre mais malheureusement nous ne pûmes assister aux célébrations que nous recherchions.

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Cette fois-ci le schéma était similaire: les géorgiens, bien que célébrant noël le 25 Décembre, accordent semble-t-il bien plus d'importances à une autre fête orthodoxe qui a lieu le 7 Janvier. Ils nomment ce jour "Shoba", et le qualifient très fréquemment du Noël orthodoxe. De plus, nous avons appris que, toujours en se référençant au calendrier grégorien, les géorgiens fêtent aussi le nouvel an qui, si l'on transpose à noter calendrier Julien classique, tombe le 14 Janvier. Quatre fêtes se succèdent donc en un peu moins d'un mois, et c'est bien décidé à découvrir les us des deux dernières que nous entamons cette nouvelle marche vers la frontière.

Nous nous rendîmes à Ujarma, village de taille moyenne à une soixantaine de kilomètres de la capitale qui ne présente pas d'intérêt particulier si ce n'est celui d'être le point que nous avons rallier lors de notre premier passage, nous épargnant ainsi de parcourir à nouveau la sortie de la ville de Tbilissi. Nous prîmes donc la «machoutka», sorte de fourgonnette aménagée destinée à conduire des passagers dans les endroits les plus reculés du pays, moyens de locomotion bon marché très commun en Géorgie, et arrivâmes dans la bourgade à la tombée de la nuit.

La nuit en tente n'eût rien d'extraordinaire, si ce n'est la constatation que nos sac de couchages auraient sans doutes besoin d'un nouveau lavage. En effet, après plus d'un an d'utilisation, la crasse s'accumula et les plumes, sans doutes chargées de graisse, s'aggloméraient, générant ainsi des paquets de plumes compacts et, de par le fait, engendrant des trous vides de garniture ça et là dans le duvet. Un premier lavage fut tenté lors de notre récent retour à Istanbul, mais celui-ci ne fut visiblement pas suffisant. C'est donc après une nuit moyennement reposante et un réveil bien givré que nous entamons notre marche dans la petite chaîne de Gombori, en direction du village du même nom.

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Un point appréciable pour les marcheurs, la route traversant ce petit massif est dans un état déplorable et la presque totalité du trafic automobile emprunte la voie principale qui contourne ces montagnes. C'est donc avec un paix relativement royale que nous avons pu progresser sur l'asphalte défoncé. Nous avons toutefois effectué quelques détours, aguichés par un symbole dessiné sur notre carte, sensé représenter une ville troglodytique que nous nous ne trouverons jamais. Nous dûmes emprunter un lit de rivière et nous frayer un chemin à la boussole, activité qui nous était coutumière mais que nous n'avions pas pratiqué depuis déjà plusieurs mois, afin de regagner la route et atteindre, en milieu d'après midi, la bourgade de Gombori.

Le village n'est pas beaucoup plus gros que celui d'Ujarma et s'étale sur à peu près deux kilomètres. Nous sommes le 6 Janvier et nous ne savions pas vraiment si les célébrations devaient commencer le soir même ou non. Le village suivant se trouvant de l'autre coté du col à une bonne dizaine de kilomètres et la nuit approchant nous firent hésiter quelques temps quant à ce qu'allait être notre soirée. Bien-sur, nous étions intéressés par la découverte de cette fête, mais nous ne voulions pas nous imposer à nos hôtes. La Géorgie avait bien souvent montré à quel point ses habitants avaient le sens de l'hospitalité et nous espérions susciter suffisamment de curiosité auprès des gens que nous croisions pour que l'envie leur prenne de nous inviter sous leur toit. Malheureusement le temps était plutôt frais et les gens dans les rues étaient assez peu nombreux. Nous tâchions d'être aussi sympathique que possible auprès des gens rencontrés, mais bien que toutes les réponses furent cordiales, personnes ne décida alors de nous accueillir chez lui.

Le soleil venait de disparaître et nous dûmes nous résigner à passer au plan B : planter la tente. La nature des environs, vallonné, pentu et boueux, favorisa une dernière tentative de notre part, peut-être un peu plus agressive que la première, pour inciter les autochtones à s'enquérir de notre sort. Il s'agissait simplement de demander aux gens que nous croisions s'ils connaissaient un endroit plat et sec où nous pourrions planter la tente. La méthode avait fait ses preuves par le passé et, même si la soirée dans une famille était loin d'être assurée, nous pourrions espérer au moins une grange ou un garage qui nous aurait rendu notre nuit moins désagréable que la précédente. Nos requêtes nous conduisirent à un jeune homme qui nous escorta jusqu'à la sortie du village où se trouver un terrain qui convenait plus ou moins à nos attentes. Nous le remerciâmes et commençâmes a récolter un peu bois pour allumer un feu, la température chutant aussi rapidement que la clarté.

C'est alors qu'un homme nous interpella depuis le chemin, en contre-haut. Il s'agissait d'un paysan conduisant son troupeau de vache à l'étable. D'un ton enjoué il nous demanda d'où nous venions et nous le renseignâmes, essayant d'être aussi courtois et souriants que possible, espérant ainsi obtenir un hébergement de dernière minute. Une fois ses bêtes rentrées, l'homme vint nous parler et, très vite, il nous invita a passer la nuit chez lui. L'hospitalité géorgienne, une fois de plus, n'avait pas failli à sa réputation.

L'homme, nommé « Djamul », nous conduisit dans une maison qui, jadis, appartenait à ses parents mais qui, à présent n'était plus utilisée par lui et sa famille que pour de rares occasions. Nous entrâmes dans une petite pièce chauffée par un poêle à bois où deux lits et une armoire occupaient l'espace autour d'une petite table centrale. Le temps que nous nous réchauffions, la table fut rapidement garnie de divers plats, généralement faits maison et nous fûmes convié à passer à table. La soirée semblait alors prendre une tournure fort agréable. Puis vint la proposition qui, sans doutes, fit dégénérer la situation: Djamul nous demanda si nous voulions boire de la vodka. Depuis le temps que nous sommes en Géorgie, nous avons appris que lorsque des gens vous propose de la vodka, il s'agit en général de Tchatcha, un alcool maison souvent très fort et généralement assez mauvais que la culture d'ici fait ingérer en quantité bien supérieures à celles qu'on pourrait considérer comme raisonnables. De plus, il est souvent assez mal perçu par les hôtes de refuser de boire avec eux une boisson alcoolisée, c'est donc presque contraint que, déclinant la proposition de la vodka, nous dûmes nous rabattre sur du vin.

Le breuvage en soit était plutôt bon, détail qu'il est important de préciser tant il est aussi fréquent de boire des vins «maison» mauvais que des vins bons en Kakheti. Nous mangeâmes jusqu'à satiété, arrosant copieusement chacune de nos bouchée d'une rasade de vin qu'il convient ici de boire en l'accompagnant d'un toast clôturé par une exclamation collégiale : «Gaoumardjos !»
Le problème est qu'en Géorgie, lorsqu'un verre est vide, ou même seulement rempli à moitié, les hôtes se sentent dans l'obligation de le remplir avant d'énoncer le toast suivant. Toute déclinaison semble être mal prise et la meilleure parade que nous ayons trouvé pour réduire nos absorption d'alcool est d'accompagner chacune des opération de remplissage par des «Tsota ! Tsota !» ( Un peu ! Un peu !) et espérer que le serveur saura en tenir compte...Ce qui n'était malheureusement pas le cas ce soir là. Autant vous dire qu'au rythme d'un verre à eau rempli de vin ingéré toutes les dix minutes, nous ressentîmes assez rapidement les effets de l'alcool, et ce n'allait pas s'améliorer.

Tout se déroulait bien cependant, nous tâchions de communiquer en combinant nos notions de russe et de géorgien et les échanges parvenaient à se faire. Jusqu'au moment ou le visage de notre hôte devint plus dur, subitement. Nous ignorons ce qui aurait pu causer ce malaise. Peut-être une mauvaise prononciation d'un mot de notre part, ou simplement les quelques mots en français que nous avons échangé entre nous et qui auraient pu être mal perçus par lui. Nous ne saurons jamais. Le fait est qu'il s'empara du couteau à lame repliable que nous utilisions pour couper le fromage et, après nous avoir dévisagé quelques secondes, le replia et le rangea dans sa poche. Bien entendu nous nous rendîmes compte de son changement d'attitude et nous essayons de calmer le jeu, prononçant à l'aide de notre lexique des mots destinés à l'apaiser et qui serviraient au toast suivant.

Une fois le couteau rentré, nous pensions que l'incident était clos. Nous portâmes même quelques toast supplémentaires et commençâmes à griller dans le poêle quelques morceaux de viande de porc enfilés sur une brochette. Puis, sans que nous ayons vu le coup venir, Djamul se dressa brusquement et frappa Killian au visage d'un coup de poing qui le fit basculer en arrière. Compte tenu de l'alcool que nous avions absorbé, nos réflexes étaient loin d'être au top et nous dûmes mettre quelques secondes à réagir.

Thierry se leva à son tour et essaya de calmer notre hôte en répétant «Ara problema ! Ara problema !» («pas de problèmes ! Pas de problèmes !») tout en accompagnant ses paroles de gestes d'apaisement. killian, qui s'était dégagé de sa chaise, tenta à son tour de raisonner l'individu, mais ses paroles n'eurent pas vraiment d'effet. Djamul se retourna subitement et empoigna la brochette restée sur la table, puis sans ménagement il commença a frapper Thierry qui se protégea comme il put.

L'idée de riposter ne nous traversa même pas l'esprit, fort heureusement. Sans doutes aurions nous pu avoir le dessus, mais il aurait été difficile, après coup, de plaider notre cause auprès d'autorités ou même des voisins. Deux étrangers tabassant un homme chez lui, comment expliquer dans une langue très peu maitrisée la façon dont se sont enchaînés les évènements ?

Voyant cependant que la situation de s'améliorait pas, nous nous empressâmes de sortir de la pièce. A l'extérieur au moins nous pourrions plus aisément esquiver les coups. Djamul nous suivit mais, peut-être aveuglé par l'obscurité qui régnait alors dehors et le contraste avec la clarté qui inondait la pièce, il resta dans l'encadrement de la porte, brandissant toujours sa brochette et marmonnant des jurons en Russe. Nous profitâmes de ce répit pour nous éloigner et aller chercher de l'aide dans le voisinage. Il devait être près de minuit et la température avait nettement chuté. Nous parcourûmes peut-être une centaine de mètres jusqu'à une maison encore éclairée. L'alcool embrouillait un peu nos sens mais nous étions conscient de la situation et nous craignions que notre arrivée en pleine nuit soit perçue comme une agression. Nous tâchâmes de prendre quelques précautions afin de ne pas effrayer nos interlocuteurs et leur expliquer la situation. A cet instant nous étions démunis de tout nos équipements et si personne ne voulait nous venir en aide nos ennuis ne feraient que commencer.

Un homme sortit sur le perron. Ses filles, adolescentes, nous observaient elles aussi depuis l'intérieur de la maison. Killian essaya d'expliquer la situation en se plaçant au milieu de la cour, endroit qui était le mieux éclairé, tandis que Thierry se tenait à l'extérieur de l'enceinte de la propriété. Sans doutes l'homme ne comprit pas tout, mais après quelques secondes à nous jauger, il nous invita tout deux à entrer.

Nous nous installâmes dans la cuisine et essayâmes, plus posément, d'expliquer notre situation. Nino, la plus âgée des deux filles, parlait quelques mots d'anglais et nous fût d'un grand secours pour nous faire comprendre. Plusieurs coups de fils furent passés alors, tandis que Nino nous préparait des cafés et faisait réchauffer quelques restes du repas du soir, malgré nos déclinaisons. Peu après, plusieurs hommes arrivèrent et s'assirent à nos côtés. De nouveau nous racontâmes nos aventures, laissant compléter nos dires par ce que nos nouveau hôtes semblaient avoir assimilé.

Puis, sans trop attendre d'avantage, nous repartîmes tous ensemble chez Djamul, récupérer notre équipements et essayer de comprendre, avec l'aide des voisins, ce qui aurait pu causer le trouble. Nous nous fîmes donc précéder de nos nouveaux hôtes et entrâmes à nouveau dans la petite pièce où nous avions passé la soirée. Djamul était là, parlant avec quelqu'un qui le rejoignit pendant notre absence. Tous se mirent à parler en géorgien pendant quelques secondes sans que nous ne comprîmes grand chose. Puis, encouragé par ses amis, Djamul se leva et écarta les bras vers Killian. Quelques «ara probléma» furent prononcés et il sembla alors que l'incident était clos. Killian et Djamul s'embrassèrent puis subitement Djamul le repoussa, sans raison, et frappa à nouveau Killian au visage, sous les yeux de tous les voisins. Tous réagirent aussitôt et entraînèrent Djamul à l'extérieur pendant que nous rassemblâmes rapidement nous affaires et quittâmes le domicile de cet individu violent.

Nous passâmes la nuit chez nos nouveaux hôtes, après une soirée qui se poursuivit assez tard dans la nuit. Nous n'eûmes pas de blessures sérieuses découlant de cet incident, juste quelques ecchymoses ça et là. Un filtre pour l'appareil photo fut malheureusement brisé et, le départ précipité des lieux, nous fit oublier nos gants et une ceinture...

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Bien sûr, nous savons que le cas de Djamul est isolé et que nous devons en rien généraliser. Partout il est possible de trouver des gens qui, sous l'effet de l'alcool, ont des comportements violents. Nous en étions convaincu mais nos nouveaux hôtes semblèrent assez embarrassés par cet incident, et beaucoup de ceux que nous avons rencontré le lendemain voulaient retourner chez Djamul pour lui asséner une correction. Nous les en avons dissuadé, bien entendu, mais nous ressentîmes comme un malaise, comme si ce manquement à l'hospitalité géorgienne portait préjudice à toute la communauté. Tous se semblaient se sentirent obligés de réparer l'affront.

Quoiqu'il en fut, nous allions passer le «Shoba» dans une famille d'un village géorgien, l'occasion pour nous de découvrir ce qu'est cette fête célébrée dans tout le pays...
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