Voila plusieurs jours que nous traînons avec nous un temps exécrable. Par chance nous avons passe la nuit dernière dans un Bungalow gracieusement mis à disposition par le gérant d'un camping de Larche, à quelques kilomètres de la frontière. Nous avons pu donc faire sécher nos affaires et bénéficier hier soir d'une douche chaude fort appréciée. En repartant ce matin nous avant constaté que la météo n'était pas encore sur le point de s'arranger. La route conduisant au col est officiellement fermée pour cause de travaux et nous empruntons une petite voie secondaire assez calme. Bien qu'il ne tombe qu'une fine bruine, la fonte des neiges cumulée aux précipitations des derniers jours ont transformé la route en ruisseau et le moindre cours d'eau en torrent. Nous montons peu à peu et pénétrons la couverture de brume qui enveloppe les montagnes alentour. Des lors l'humidité s'insinue dans nos couches de vêtements et il devient alors vite difficile de s'arrêter sans être frigorifie. Nous regagnons l'axe routier à quelques encablures du col. L'endroit est assez désert. Les quelques bâtiments visibles ont l'air fermés et les rares individus que nous apercevons sont retranchés à l'intérieur de leurs voitures chauffées. Nous nous arrêtons un court instant devant la pancarte matérialisant la frontière, histoire de marquer le coup, puis nous continuons avant de trop nous refroidir.
Dès lors nous entamons une longue marche vers l'İtalie. La brume qui nous entourait jusqu'à présent s'enrichit d'une bruine glacée que le vent qui règne au col nous projette sur le visage. Nous progressons d'un bon pas le long d'un petit lac, dépassant un restaurant duquel émane un fumet alléchant et commençons la descente vers le fond du vallon. L'opacité ambiante nous prive d'une vue sans doutes magnifique sur la vallée et la sensation de froid persistante nous impose de maintenir un rythme soutenu pour nous réchauffer. Peu à peu nous passons sous l'épaisse couche de nuage et pouvons distinguer en contrebas les ruines de Grangie, un ancien village bombardé pendant la seconde guerre mondiale selon certains, dévasté par une avalanche selon d'autres sources. Nous suivons la route, coupant les interminables lacets lorsque la topologie nous le permet et gagnons enfin le village d'Argentera. Le village n'est pas très grand et semble presque totalement déserté par ses habitants. Les rares silhouettes que nous distinguons semble nous fuir, refusant même de répondre à nos simples "buon giorno" destinés à engager la conversation. Notre vocabulaire en italien est encore très limite et nous comptons sur la proximité avec la frontière pour pouvoir baragouiner un peu en français, mais c'est peine perdue. Survient alors une averse de grêle qui nous pousse à nous retrancher sous un abri bus. Les abords de la chaussée sont inondés et chacun des passages des poids-lourds descendant du col manque de nous asperger. De plus, la halte forcée nous a nettement refroidie et la perspective de devoir marcher le long de la route en esquivant les gerbes d'eau glacée ne nous enchante pas beaucoup. De toutes façons nous ne pouvons pas rester la. Il semble toute à fait impossible de trouver un abri au sec ici et les rares échanges que nous avons eu avec la population locale nous ont froidement suggéré de nous rendre au village suivant. Nous nous résignons enfin à tendre le pouce pour trouver un endroit sec pour la nuit. Plusieurs camions puis une jeune femme dans un break s'arrête à notre niveau...
Il s'agit d'une des employées du restaurant que nous avons passé au niveau du col. Avec un sourire aimable et presque compatissant elle nous invite à monter dans sa voiture. Caroline, Mathieu et Sylvain s'entassent à l'arrière avec les sacs et Thierry passe sur le siège passager. Le chauffage à fond est un véritable bonheur à cet instant. Très vite la buée recouvre les vitres, nous obligeant à essuyer de temps en temps le pare brise avec un mouchoir pour gagner un peu de visibilité. Les possibilités d'échange sont assez restreintes mais nous arrivons à faire comprendre nos attentes à la jeune femme. Elle nous conduit alors dans le village de Sambuco, dans une vaste caserne militaire désaffectée dans laquelle son père élève du bétail. Nous restons un peu en retrait pendant qu'elle lui explique notre cas, puis un peu après l'homme vient nous saluer en s'exprimant un peu en français, un peu en italien. Il nous ouvre ensuite les porte d'un ancien dortoir. L'eau courante et l'électricité n'y sont plus depuis belle lurette et le mobilier n'est qu'un lointain souvenir. Beaucoup de fenêtres ont des carreaux casses et le sol est très poussiéreux mais nous sommes à l'abri, c'est ce qui compte. Nous montons les tentes afin de gagner quelques degrés supplémentaires par rapport aux vastes pièces où les plafonds culminent à plus de trois mètres et nous apprêtons à passer notre première nuit en Italie